Aidant familial : voilà un terme que l’on entend de plus en plus souvent ces derniers temps. Et c’est tant mieux ! 

Ils sont des millions en France à venir en aide à un proche, à cause de la maladie, du handicap ou de la dépendance.

Et bien souvent, comble de l’ironie, il ne savent même pas qu’ils sont aidants !  Moi-même, j’ai mis des années avant de m’en rendre compte. Parce qu’aider mon frère à réaliser les gestes du quotidien qu’il ne peut pas assurer tout seul, c’est juste « normal ». On ne réfléchit pas. On est là. On fait. C’est tout.

Et on s’épuise. Beaucoup. De plus en plus.

Mais on continue. Parce que c’est naturel d’aider une personne qu’on aime. Mais il faut aussi penser à soi. Et c’est peut-être ce qu’il y a de plus difficile ! 

 

1. La face cachée du handicap

​Lorsque nous sommes en voyage et que nous partageons nos aventures sur notre blog et les réseaux sociaux, nos proches et les internautes ne voient que le bon côté des choses. C’est tant mieux car notre but premier est d’inspirer nos lecteurs et de leur montrer tout ce qu’il est possible de faire en fauteuil roulant dans les villes que nous visitons.

Toutefois, le handicap moteur ne se résume pas au fauteuil roulant et à une mobilité réduite des jambes. La maladie engendre beaucoup de fatigue au quotidien, ainsi que des contraintes physiques, matérielles et techniques. Cela est d’autant plus vrai dans le cas de Rudy, dont la maladie induit aussi une faiblesse musculaire des membres supérieurs, de plus en plus prononcée au fil des années.

Voici donc un aperçu de la réalité quotidienne de Rudy, avec laquelle certains d’entre vous se retrouveront peut-être.

1.1 Faire sa toilette, manger et s’habiller

Le matin, il faut un peu plus d’une heure environ à Rudy pour se préparer. Lever du lit, passage aux wc, faire sa toilette, habillage et petit-déjeuner…

Les trois quarts de l’année, Rudy habite avec nos parents et c’est notre maman qui s’occupe de lui en tant qu’aidante familiale. Je tiens ce rôle lorsque Rudy vient passer quelques jours chez moi, généralement deux jours par semaine, et lorsque nous voyageons ensemble.

Faire sa toilette avec un gant, se raser avec un rasoir et se laver les dents avec une brosse à dents sont des actions qui paraissent d’une grande banalité, mais pas pour Rudy. En effet, il lui est très difficile de lever ses bras du fait de sa faiblesse musculaire.

Cela le gêne également pour porter les aliments à sa bouche lorsqu’il mange. Il a donc pris l’habitude de baisser sa tête pour l’amener jusqu’à la main qui tient la fourchette… On fait avec les moyens du bord !

Pas facile non plus d’enfiler des habits. D’ailleurs, nous sommes bien contents d’avoir découvert qu’il existait des vêtements adaptés ! Une vraie révolution, y compris pour les pauses pipi en journée !

1.2 Les douleurs musculaires

Les douleurs font partie du quotidien de Rudy, aussi bien dans ses jambes que dans ses fesses ou son dos. Il a du mal à rester plus d’un certain temps dans la même position et cela gêne sa concentration. 

Toute manipulation de son corps par une autre personne est épuisante et potentiellement douloureuse, à commencer par l’habillage. La pire des manipulations reste à ce jour celle pour rentrer à bord des avions. Le personnel des aéroports n’est pas toujours efficace et on se demande parfois si les membres de l’assistance PMR ont bien suivi une formation !

Comme Rudy s’amuse à le dire, il est en mousse intégrale ! Il faut donc faire très attention lorsqu’on s’occupe de lui.

1.3 Hiver = hibernation !

L’hiver est une saison difficile pour Rudy.  Le froid l’agresse encore plus du fait de sa position assise statique, contrairement aux personnes debout qui se réchauffent un minimum en bougeant leurs bras et leurs jambes lorsqu’elles marchent.

Pour ne pas avoir trop froid, il met plusieurs couches de vêtements mais la séance d’habillage est alors encore plus douloureuse que d’ordinaire !

Rudy a tendance à très peu sortir de chez lui de décembre à mars pour éviter ces contraintes. Mais rester enfermé entre les quatre murs de sa chambre, allongé sur son lit,  n’est pas une solution non plus car le moral en prend un coup…

L’été est quant à lui plus ou moins supportable selon l’intensité de la chaleur, cette dernière lui générant plus de fatigue et de beaux pieds tout enflés lorsqu’il y a la canicule !

1.4 Accessibilité des lieux publics

En dehors de leur domicile, les personnes en situation de handicap sont confrontées au manque d’accessibilité, et ceci dès leur plus jeune âge. Scolarité, vie professionnelle, commerces, transports… La liste est longue !

Même si on ne peut nier que nos sociétés avancent sur le sujet, ça ne va jamais assez vite quand on est directement concerné.

Un exemple parmi tant  d’autres : on ne parle pas assez du manque de wc adaptés lorsqu’on se promène en ville ! Rudy est devenu un Superman du pipi à force de se retenir plusieurs heures de suite, ce qui n’est d’ailleurs pas bon du tout pour sa santé ! J’en profite pour vous dire qu’il existe une super appli pour trouver et recenser les toilettes adaptées, partout dans le monde : Accessaloo !

Mais à mes yeux, ce qu’il y a de plus grave, c’est de condamner un enfant en fauteuil dès son plus jeune âge à ne pas pouvoir poursuivre sa scolarité au-delà d’un certain niveau. Pourquoi cela ? Parce que statistiquement en France, plus on progresse dans le cursus scolaire, moins les établissements sont accessibles ! Il reste les cours par correspondance mais niveau citoyenneté et inclusion, on peut faire mieux…

Bref, je m’égare du sujet initial ! Une chose est sûre : les personnes en situation de handicap sont de véritables super-héros car elles n’ont souvent pas d’autres choix que de s’adapter à la société, alors que ça devrait être l’inverse !

2. Aidant familial : une profession à temps plein !

2.1 Apprendre les bons gestes pour ne pas se blesser

Lorsque Rudy a perdu la marche, c’est lui qui a été le premier touché par cette nouvelle condition de vie. Mais notre quotidien en a été aussi profondément bouleversé, à nous ses proches. 

Pour moi, le plus compliqué est de réaliser les transferts. En effet, il n’est pas facile de porter une personne de 80 kilos depuis son fauteuil jusque sur le lit, les toilettes ou le siège de douche ! C’est encore moins facile lorsque l’on ne dispose pas du matériel spécifique en voyage, comme un lève-personne, et qu’on se retrouve parfois dans un espace restreint avec le bord à angle droit du lavabo juste dans son dos ! Oui, ça fait très mal, je confirme ! 

 » Je ne suis pas un super-héros et pourtant, j’ai souvent l’impression d’avoir l’obligation d’en devenir un pour réussir à m’occuper correctement de mon frère ! « 

Ça commence à faire beaucoup de super-héros tout ça, entre les aidants et leurs proches aidés !

En 2013, j’ai accompagné Rudy lors d’un examen médical à l’hôpital.

Alors que je le transférais tant bien que mal depuis son fauteuil électrique jusque sur le lit, une infirmière qui passait par là m’a vu faire et m’a dit :

 » Si vous continuez à porter votre frère de cette manière, votre dos ne va pas tenir longtemps ! « 

Une grande discussion a suivi avec cette personne bienveillante, qui se prénomme Sonia et avec laquelle nous sommes toujours en contact. Sa phrase a résonné dans ma tête plusieurs jours.

Aussi, j’ai rapidement pris rendez-vous avec mon médecin pour me faire prescrire des séances de renforcement musculaire chez un kiné. En seulement deux séances, j’ai acquis les bons gestes et les bonnes postures pour transférer Rudy sans nous blesser mutuellement, et en préservant mon dos au maximum. Un grand pas en avant ! Toutefois, une question me préoccupe toujours depuis :

 » Pourquoi les médecins qui suivent Rudy depuis sa naissance ne nous ont jamais conseillés, à nous ses proches, de nous former aux techniques de transferts ? « 

C’est quand même fou quand on y pense, alors qu’il en va de notre santé à tous ! Plus nous sommes en bon état physiquement et plus nous pouvons nous occuper de notre proche dans les meilleures conditions, le plus longtemps possible !

2.2 Les aides financières

Certains aidants quittent leur travail pour s’occuper de leur proche car ils n’arrivent plus à jongler entre les deux, et se retrouvent parfois dans des situations précaires.

Rudy vit avec nos parents. Notre maman avait déjà arrêté de travailler à sa naissance. Elle aurait pu reprendre un travail par la suite mais a fait le choix de s’occuper de lui.

Ce n’est que très tardivement qu’elle a découvert qu’elle pouvait prétendre à une aide financière auprès de la MDPH.

Pour cela, Rudy a rempli un dossier de prestation de compensation du handicap « aides humaines »  (voir le site handicap.gouv.fr pour plus d’informations).

Cette prestation peut rémunérer :

  • un service prestataire d’aide à domicile agréé ;
  • un salarié directement employé par la personne handicapée ;
  • un membre de sa famille (autre que le conjoint et père, mère, enfant) en le salariant.

La personne handicapée peut dédommager un proche qui lui apporte son aide, même si aucun contrat de travail ne les lie. Peut être aidant familial :

  • le conjoint, le concubin, le partenaire de Pacs ;
  • l’ascendant, le descendant ou le collatéral jusqu’au quatrième degré de la personne handicapée elle-même (sœur, frère, nièce, neveu, petite-nièce, petit-neveu) ou de son conjoint, concubin ou partenaire de Pacs.

Rudy a donc fait son dossier en indiquant que c’était notre maman son aidante au quotidien. Il a également précisé le nombre d’heures nécessaires pour accomplir les actes essentiels de la vie. Pour ce deuxième point, il n’a pas pu inscrire plus de 5 heures. Pourtant, la réalité est tout autre !

Actuellement, Rudy perçoit une allocation d’environ 1 000 € par mois pour dédommager le travail d’aidante de notre maman. C’est moins que le SMIC, alors qu’être aidant est un travail à temps plein! Et elle n’a aucune reconnaissance puisqu’elle n’est pas salariée et ne cotise pas, entre autres, pour sa retraite.

Mais cela pourrait changer ! Suite à la publication de cet article, une lectrice nous a informés que les périodes non travaillées ou travaillées à temps partiel, pour élever ses enfants ou s’occuper d’un enfant ou d’un proche handicapé ou malade, peuvent être prises en compte pour la retraite. Pendant ces périodes, vous pouvez être affilié(e) gratuitement, sans verser de cotisations, à l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF). Plus d’informations sur le site service-public.fr.

2.3 Reportage sur France 2

La question des aidants est vaste et il reste encore beaucoup à faire pour que leur reconnaissance soit véritablement établie dans notre société.

Nous avons été interviewés sur le sujet pour France 2 à l’occasion de la dixième journée des aidants en octobre 2019. Cela me tenait à coeur de parler de mon rôle auprès de Rudy pour sensibiliser le grand public.

A un moment, le journaliste m’a posé la question suivante :

« Est-ce qu’il arrive que cette relation d’aide prenne la forme de colère ? »

J’ai répondu que oui, c’est humain ! Il arrive même que je « pète un plomb » ! La suite de mes propos a été coupée au montage.

J’expliquais que si je pète parfois un plomb, ce n’est pas à cause de mon frère et de cette relation d’aide mais à cause du matériel ! En effet, lorsque nous sommes en voyage, nous n’avons pas tout le confort matériel et les aides techniques dont nous disposons à la maison pour nous faciliter la vie. Donc oui, parfois, je râle… Mais pas contre Rudy! lol

Voici la vidéo du reportage de France 2, dans laquelle intervient aussi notre maman :

3. La fatigue de l’aidant familial

En tant qu’aidant familial, j’ai une responsabilité importante puisque je veille au bien-être et à la sécurité de Rudy, et que je peux être amené à intervenir 24h/24. Rudy a un taux d’invalidité supérieur à 80% et il a besoin d’un accompagnateur en permanence, y compris pour l’aider à se tourner dans le lit en plein milieu de la nuit !

Lorsque nous partons en voyage, mon rôle d’aidant est bien rempli. Voici mes principales tâches :

  • les actes essentiels de la vie : lever, coucher, toilette, wc, habillage ;
  • l’alimentation : faire les courses, préparer à manger, mettre et débarrasser la table, faire la vaisselle ;
  • l’intendance : faire et défaire nos bagages, gérer le linge sale, faire le ménage… ;
  • les « petits trucs » du quotidien : appuyer sur les interrupteurs pour allumer et éteindre la lumière, recharger le fauteuil électrique et le téléphone de Rudy…

Certains soirs, en rentrant d’une longue journée d’audit (car non, être blogueur voyage pour Handilol, ce n’est pas synonyme de vacances !), je n’ai qu’une hâte : me coucher et prendre du repos ! Mais il faut d’abord que je m’occupe de mon frère (repas, toilette, pipi, coucher) et seulement ensuite je peux commencer à m’occuper de moi. Je suis parfois tellement épuisé que je n’ai même plus la force de prendre ma douche ! C’est d’ailleurs ce que j’ai dit lors d’une interview pour France Inter.

Aussi, lorsque je sens que je commence à fatiguer pendant un long voyage, je n’hésite plus à le dire à Rudy, qui me répond alors : « ok, pas de souci, demain on fait une pause ! ».

La vérité, c’est qu’on ne fait pas vraiment de pause car notre programme est toujours bien rempli. Et c’est tellement passionnant et réjouissant de partir pour de nouvelles aventures quand on est en déplacement dans une destination qu’on ne connaît pas ! J’ai du mal à dire stop, cela fait partie de mon tempérament et de ma passion du voyage.

C’est un rythme à prendre qui demande de bonnes conditions physiques. Du coup, lorsque nous rentrons d’un séjour, il nous faut chacun une bonne semaine pour nous en remettre !

Mais ce n’est rien comparé à ce que nous avons la chance de partager avec Rudy ! Et notre grande complicité permet de faire face à tous ces tracas, sans oublier que mon frère a toujours le mot pour rire afin de détendre l’atmosphère !

4. Le manque de sensibilisation des professionnels

Je dois avouer qu’il y a des choses qui m’exaspèrent dans mon rôle d’aidant. Sans faire de jeu de mots, c’est justement de ne pas être assez aidé ! Et les professionnels sont grandement responsables. Voici nos dernières mésaventures.

4.1 Août 2019 : panne du lève-personne à Annecy

Ces derniers temps, nous avons pris l’habitude de louer un lève-personne que nous faisons livrer directement à l’hôtel. C’est ce que nous avons fait lors de notre séjour à Annecy début août.

Le samedi soir, nous avons assisté à la Fête du lac et sommes rentrés vers minuit.

Au moment de transférer Rudy depuis les toilettes jusque sur le lit pour le coucher, le lève-personne s’est coincé. Impossible de faire redescendre Rudy qui était suspendu bien au-dessus du lit.

J’ai eu beau essayer de débloquer l’appareil, je n’y suis pas arrivé et il a fallu que nous trouvions une autre solution, assez laborieuse (voir notre post Facebook pour les détails).

Quand on est aidant et qu’on vient de passer sa journée à alterner entre son travail et son rôle d’aidant, on a autre chose à faire que de se débattre avec du matériel censé nous faciliter la vie, surtout après minuit !

Nous n’allions pas appeler la société de location à une heure du matin pour venir réparer le lève-personne. De toutes façons, il n’y avait pas de service de garde de tout le week-end ! Mais une notice de l’appareil au format papier ou pdf aurait été la bienvenue dans ces cas-là. J’ai fait cette suggestion au responsable par la suite. Puisse t-il l’avoir entendue et appliquée depuis !

4.2 Juin 2019 : le conducteur de bus qui ne nous attend pas

Ce soir-là, nous avons mangé chez des amis à côté de Lyon. Le dîner s’est terminé tard, nous avons mis du temps à nous dire au revoir, et lorsque le bus du retour numéro C19 de 22h39 est arrivé, nous étions en retard.

Nous n’avions pas encore atteint l’abribus à l’arrêt et il nous restait 50 mètres environ. J’ai fait signe au conducteur qui a eu la gentillesse de s’arrêter un peu en amont sur la route, même si nous n’étions pas à l’arrêt. Mais lorsque je lui ai demandé de sortir la rampe, il s’est immédiatement énervé, a râlé « Ha non hein, pas la rampe!!! », il a fermé la porte et il est parti aussi sec. 

Le bus suivant ne venait pas avant 23h39, soit une heure plus tard, et c’était le dernier! Avec le risque que la rampe ne fonctionne pas… Les conducteurs connaissent leur ligne et celui-là savait très bien dans quelle situation il nous mettait. Mais cela n’a pas semblé le déranger… 

Message à tous les conducteurs de bus :  j’aimerais que vous vous mettiez un instant dans la peau d’un aidant familial.

Imaginez-vous, après vous être occupé de votre proche toute la journée qui vient de s’écouler, qu’un conducteur vous répond sur un ton très désagréable qu’il ne veut pas sortir la rampe, qu’il vous ferme la porte au nez et que vous devez attendre encore une heure un bus alors que vous auriez pu l’avoir tout de suite ?

Imaginez-vous que lorsque vous arrivez chez vous à minuit passé, vous n’avez qu’une envie : prendre une douche pour vous rafraîchir et aller vous coucher dans votre lit douillet. Mais que ce n’est pas possible car il faut d’abord que vous vous occupiez de votre proche qui est votre priorité : wc, (dés)habillage, toilette, soins, coucher au lit, toutes ces choses qui prennent au minimum une heure de temps pour une personne à mobilité réduite et qui demandent encore des forces physiques alors que vous n’en avez déjà plus beaucoup à cette heure tardive. Des efforts parfois tellement difficiles qu’il arrive qu’une fois que votre proche est enfin couché, vous vous dites : « je suis trop fatigué, tant pis je ne prends pas ma douche, je me couche directement ».

Car oui, quand on est aidant familial, on a tendance à tout faire pour son proche au détriment de sa propre santé et de son propre confort. Je me suis couché vers 1h30/2h du matin en étant bien fatigué ce soir-là, et bien contrarié à cause du comportement de ce conducteur.

Les personnes en situation de handicap ont des besoins spécifiques qui nécessitent plus d’attentions qu’un individu lambda, et donc plus de sensibilisation des professionnels tous secteurs confondus. Et cette sensibilisation doit également prendre en compte les besoins de l’aidant familial, et plus généralement de l’accompagnateur. 

4.3 Juillet 2018 : l’assistance à l’aéroport de Paris Orly

Cette mésaventure a fait l’objet d’un coup de gueule dans un post Facebook et de nombreux lecteurs ont partagé des situations similaires. Je crois que c’est une des toutes premières fois où je me suis senti aussi ignoré dans mon rôle d’aidant. Encore aujourd’hui, rien que de me replonger dans ce désagréable souvenir pour vous le raconter, ça me révolte.

Nous étions de retour de notre voyage à Rome. À la sortie de l’avion, l’assistance PMR, composée de trois personnes, est venue chercher Rudy. Ils l’ont emmené sur le fameux siège de transfert où l’on peut toute juste poser une fesse, puis ils l’ont immédiatement transféré dans un fauteuil manuel puis… bye bye!… me laissant tout seul avec toutes nos affaires ! Heureusement, j’ai eu le temps d’accrocher le sac à dos de Rudy au dos du fauteuil manuel mais il me restait :

  • mon sac à dos, bien chargé puisque nous sommes partis deux semaines ;
  • un sac à dos plus petit pour transporter des accessoires comme l’urinal en plastique ;
  • notre rampe pliable portable dans sa housse ;
  • les deux repose-pieds du fauteuil électrique, dignes de deux haltères tellement ils pèsent lourd. Par sécurité, nous les prenons toujours avec nous dans l’avion.

Ça n’a peut-être pas l’air de grand chose écrit comme ça mais c’était lourd, d’autant plus que le chemin était long de l’avion jusqu’à la salle des bagages pour récupérer le fauteuil électrique de Rudy. Sans compter le stress habituel à l’arrivée de l’avion, en espérant à chaque fois que le personnel de l’assistance sera bien formé et ne fera pas mal à mon frère au moment des transferts.

Lorsque j’ai réussi à rattraper Rudy et l’assistance PMR, j’ai râlé en disant qu’ils auraient au moins pu me demander si j’avais besoin d’aide pour les bagages. Réponse de l’une des personnes :
– Nous sommes là pour nous occuper de votre frère, pas de vos bagages.
– Qui vous dit que dans les bagages que je porte en ce moment, il n’y en a pas qui sont à mon frère? Vous n’avez même pas posé la question!

La personne a récupéré un fauteuil roulant manuel qui se trouvait non loin, l’a emmené vers moi d’un air très énervé et m’a lancé :
– Voilà un fauteuil manuel pour poser les bagages. Monsieur est jeune, comme ça il ne sera pas fatigué!

J’ai bondi de l’intérieur…

– Pardon ?! Vous savez ce que ça veut dire de s’occuper d’une personne en situation de handicap depuis deux semaines ???

Et là n’est même pas la question !

Ce retour à Paris n’a pas été mémorable. A peine rentrés de voyage, vive la France ! Je ne vous cache pas que j’en ai de plus en plus marre de notre pays, de la mentalité des gens… Marre du manque d’empathie, du manque de sensibilisation, du manque de professionnalisme. 

Après, il ne faut pas généraliser, je sais bien. Tout le monde n’est pas comme ça. Si je vivais dans un autre pays, mon rôle d’aidant serait peut-être mieux compris mais d’autres choses me contrarieraient sûrement. Mais tout de même. À force de voyager, on ressent des choses, le rapport à l’humain est différent selon les pays. Et en France, on peut (beaucoup) mieux faire.

Lors du partage de mon coup de gueule sur Facebook, j’ai eu l’idée de détourner la célèbre chanson de lio « Les brunes comptent pas pour des prunes ». Le titre est devenu « les aidants comptent pas pour des prunes » ! Car c’est vraiment ce que j’ai ressenti sur le moment : que j’étais totalement invisible et que je ne nécessitais aucune aide.

Vous aussi êtes proche aidant(e) et vous sentez parfois seul(e) au monde, incompris(e), épuisé(e) ? Regrettez-vous le manque de formation des professionnels ? Comment se passe votre relation d’aide au quotidien ? N’hésitez pas à nous partager votre expérience dans les commentaires !

Retrouvez également d’autres témoignages dans l’un de nos posts Facebook.

J’aimerais conclure en vous parlant du dispositif Métropole aidante qui vient de se créer à Lyon. Il s’agit notamment d’un site Internet qui recense plein d’informations pour aider les aidants dans leur rôle. Une formidable initiative, qui,  je l’espère, essaimera partout en France très bientôt !

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7 Commentaires

  1. Valerie

    Merci Julien pour cet article sans complaisance… C’est vrai que nous ne nous rendons pas spécialement compte de TOUT le travail des aidants. Vos articles de voyage sont tellement bien faits que l’on ne voit que le côté fun… Merci de remettre les pendules à l’heure… Rudy a beaucoup de chance de t’avoir et d’avoir votre maman… D’ailleurs, je suis très admirative pour ce que vous faites ensemble…
    J’espère que vous allez encore longtemps nous faire rêver, nous motiver à nous bouger les fesses pour vivre nos rêves ! Encore une fois respect et merci !

    Réponse
    • Handilol

      Merci Valérie pour cet adorable commentaire! ? Promis, on va continuer à vous faire rêver, nous avons tellement de projets en tête!

  2. Sindicas-Latu Pascale

    Très bon article sur notre quotidien d’aidant ! Il est fondamental de sensibiliser pour faire avancer les mentalités et les actions à entreprendre pour soutenir les aidants. Un aidant qui va bien, c’est un aidé qui va bien aussi ! Merci Handilol ! Continuez encore longtemps votre super travail !

    Réponse
    • Handilol

      Merci Patricia pour ton message et tes encouragements! Tu as tout résumé en une phrase : « Un aidant qui va bien, c’est un aidé qui va bien aussi ! » ?

  3. Perrin jenny

    Bonjour,
    C est tellement vrai tout ça. Je n’ai toujours pas réussi à me remettre des vacances d’été où l’on a moins d’infirmiers qui passent. Gérer les vacances quand on est aidant demande énormément d’énergie.
    Bref je ressens ces derniers temps une énorme culpabilité de ne pas être en forme ou de ne pas avoir le moral. Mais bon j’aime infiniment mon mari et c’est le principal.

    Réponse
    • Handilol

      Merci Jenny pour ton témoignage.

      Je crois que nous passons tous par une phase de culpabilité en tant qu’aidant. Nous voulons tellement bien faire pour notre proche! Mais il nous faut aussi apprendre à relativiser, à mettre la barre un peu moins haut et à souffler.

      Surtout ne reste pas seule avec tes pensées si tu n’as pas le moral en ce moment. Il existe des lignes d’écoute, des groupes de parole, etc… Regarde sur le site aidants.fr par exemple.

      En tout cas, je suis de tout coeur avec toi ! ?

  4. Valye

    Bonjour je suis auxiliaire de vie et aidante… Eh oui cela existe… Je suis aidante d’un ami qui a la sclérose en plaques et je suis son avs avec ses 171 heures de PCH aide humaine. Je vis à son domicile et j’adore mon métier et mon rôle d’aidante. C’est le bonheur de partager ma vie remplie de joie et de larmes.. ?

    Réponse

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